samedi 25 avril 2009

IL ETAIT UNE FOIS




BABYCHOU A LA PISCINE

Comme tous les samedis, le petit garçon blond comme les blés, tout beau dans ses vêtements neufs, assis là dans la pièce sombre devant la télévision qu’il ne regarde pas, les yeux dans le vide. Seul, car les autres enfants siestent. Il se demande pourquoi il passe des heures à attendre sa maman.

La maman arrive accompagnée de Skander, son grand frère. Cette fois, il ne court pas vers sa maman mais il vient tranquillement lui dire au creux de l’oreille :

« Maman ça y est tu l’as notre grande maison ? ! Tu es venu me chercher ? »

Le regard triste, il devine la réponse. Toujours la même depuis plus de deux mois, ce qui lui semblait une éternité. La maman lui dit comme tous les samedis :

« Pas aujourd’hui mon Amour, bientôt ! Maman te le promet ». Son regard s’éteint à nouveau, ses beaux yeux bleus ont perdu toutes les étincelles de l’enfance, son visage blanc, devenu sérieux, triste, et presque résigné. Dans ses yeux couleurs ciel, se dessine un désespoir un désespoir qui ressemble fort à une certitude.

« Pourquoi moi je suis ici, et skander est à la maison avec ma maman, je suis puni ? Moi ? Pourquoi moi ? »

La maman retient toutes ses larmes et toute sa peine, elle se sent coupable de lui avoir dit « bientôt », sans certitude. Tout en reconnaissant son mode de vie un peu anarchique, elle sait qu’elle aime son fils plus que tout au monde et que cette séparation laissera à tous deux des cicatrices indélébiles.

Le petit garçon ne croit plus à son retour, il plus à la belle maison. Il regarde le beau ciel bleu à travers les vitres et dit à sa maman :

« Maman on va à la mer,
- Viens je t’emmène à la piscine. Je t’aime mon fils.
- Moi aussi maman je t’aime » dit-il tout doucement.

Tous trois sortent de cet endroit où les enfants passent leurs temps à attendre leurs parents. Le pas hésitant le petit garçon accompagné de sa maman et de son grand frère, traverse le Parc des Sports, ce lieu qu’il connait par cœur maintenant, et dont les jeux ne le font plus rire, en accomplissant les mêmes rituels pour montrer tout son amour :

« Tiens Maman une fleur pour toi
- merci mon amour
- et une fleur pour Skander
- et une fleur pour Waël, tous les trois on a une fleur ! »

La maman met la fleur précieusement dans son sac, elle les a toutes gardées à la maison dans un livre. En regardant les fleurs cueillies par son petit garçon, et en les comptants, elle compte les jours.

Le cœur brisé mais sans le montrer à son petit garçon :

« Viens mon chéri on va s’amuser !

- Allez Waël montre nous comme tu cours vite avec tes baskets Spiderman. » Lui dit son frère.

Le petit bout de chou s’exécute, il court, il court et se retourne. Il voit sa maman et son grand frère au loin. Il revient aussitôt.

Le petit garçon alors n’écoute plus sa maman, il regarde autour de lui et tout à coup, s’exclame :

« Regardes Maman, le bus ! Viens on l’attend ! On rentre à la grande maison de maman de Skander et Waël ?! »

La maman puise toutes ses forces, et respire profondément pour ne pas céder à la tentation et sourit pour détourner l’attention du petit garçon.

Le petit garçon a semble-t-il vieilli de deux ans en deux mois. Ses cheveux coupés courts, ils avaient foncés, il ne sourie presque plus et a peur de tout, de rien. Il semble ailleurs. Il parle beaucoup moins, ou très bas, il chuchote. La maman doit mettre son oreille près de sa bouche pour le comprendre, tout près.

Enfin, la piscine ! Un moment de liberté ! La maman pense alors que depuis la naissance du petit garçon elle l’avait emmené partout et qu’ils étaient alors inséparables. Toutes ces images de ce bonheur passé lui tordent le ventre. Sans rien dire, elle fait semblant et profite de l’instant présent. Ne lui avait-on pas dit que les petits garçons n’avaient pas la notion du temps à quatre ans ? Elle en doute car le petit garçon lui parle de la plage, de la mer et des ses jeux de plage…

Skander décide d’aller nager dans le grand bain.

Le petit garçon et la maman se serrent fort et ne se quittent pas. Dans l’eau, les jeux de bulles, le toboggan. Peu à peu le petit garçon retrouve des belles couleurs sur ses petites joues enfantines ainsi que son beau sourire, ses yeux rient à a nouveau. La maman ne peut plus le quitter des yeux un seul instant, elle se remplie de cette image. C’est un bonheur intense qui emplit le cœur des ces deux êtres de la même chair, séparés aujourd’hui alors qu’inséparables.

Le petit garçon s’amuse et semble heureux il a sa maman dans ses bras, et peut-être dans sa petite tête, pense t-il que cette fois elle ne le partira pas.

Le temps passe comme dans un rêve, très vite. Malheureusement, ils ne sont plus libres : les règles, les lois les cadres doivent être respectées ! Il faut que la maman ramène le petit garçon au Centre des « enfants en dangers », rien que le mot est révoltant, mais c’est ainsi que l’on désigne ce centre. Le petit garçon ne veut pas sortir de l’eau, il s’accroche au bras de sa maman et dit tout bas :

« Je veux rester dans l’eau avec toi, je ne veux pas aller là bas, je ne veux pas prendre ma douche, je veux rentrer avec maman et Skander ».

Silencieux, presque résigné, de grosses larmes coulent le long de ses joues roses. La maman ne peut plus parler. Ce moment …. Une éternité ! Plus personne ne sourit. Le petit garçon se sent coupable et dit :

« Maman, je suis en prison comme Oscar ? » La maman répond :

- Mais non Oscar était dans un Hôtel pour chiens et d’ailleurs, il est sorti cette semaine. Toi tu es mon petit garçon ! Je t’aime tellement, si fort, ce n’est pas moi qui décide. »

Malgré elle, la maman ne peut s’empêcher d’ajouter :

« C’est la méchante juge qui nous a séparé. C’est une sorcière ». Elle savait que pour le petit garçon cela ne veux rien dire. Mais la maman a perdu toutes ses illusions sur la justice des hommes. Au fond d’elle, elle nourrit maintenant une haine féroce contre tout ce système aberrant et injuste. Elle maudit cet éducateur qui lui a enlevé son enfant. Elle entend toujours la voix du juge :

« Votre enfant est très bien traité, il est gai, ouvert et semble avoir un an d’avance. Il est poli et très bien élevé, mais vos fréquentations, Madame »

La maman pense qu’aujourd’hui, il n’y a plus de « fréquentations » mais que son petit garçon est beaucoup moins bien traité, moins gâté, qu’il a perdu beaucoup de ses rêves, des ses illusions, et surtout sa joie de vivre, sa gaîté, et sa spontanéité. C’était cela la justice ?

Le petit garçon traîne le long du chemin comme chaque fois, comme pour prolonger l’instant. Au fond de lui il espère jusqu’au dernier moment que sa maman lui dise :

« Viens mon chéri on rentre à la maison ».

Chaque retour dure des heures et traine une fulgurante douleur pour ces deux êtres qui subissent la justice des hommes.

Les marches jusqu’à sa chambre semblent hautes, le couloir humide sent cette odeur de renfermé, de souffrances. Le cœur serré le petit garçon passe la porte. Il range dans l’armoire ses nouveaux jouets et s’assit au bord du lit, le regard dans le vague.

Babychou a aujourd’hui quatre ans et deux mois.

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